Dans un communiqué publié le 18 octobre 2012, le Conseil européen annonce que les états de l'Union européenne se sont mis d'accord sur la création d'une supervision bancaire au niveau européen. La législation devrait être adoptée d'ici le mois de janvier 2013. Mais il restera alors à discuter les mesures d'application nécessaires, de telle sorte que la supervision ne devrait pas devenir opérationnelle avant plusieurs mois.
Retour sur la genèse et le contenu de ce projet.
Les 28 et 29 juin dernier le Conseil européen et le sommet de la zone euro avaient pris une série de décisions parmi lesquelles figurent l'adoption du pacte pour la croissance et l’emploi et le mandat donné à la Commission européenne de présenter rapidement des propositions pour une union bancaire européenne: une surveillance intégrée des banques transfrontalières, une garantie unifiée des dépôts, et un fonds européen de résolution des défaillances bancaires.
Le premier volet avait déja fait l'objet d'une proposition de la Commission rendue publique le 6 juin.
A l'orgine de ces propositions il y a le constat selon lequel l'intégration économique européenne et notamment celle des capitaux ne s'est pas accompagnée d'une intégration des règles et des organismes de contrôle. Première conséquence: ce sont les états qui ont du prendre les mesures nécessaires pour sauver les banques en perdition, en les recapitalisant, et qui ont ainsi aggravé leur propre endettement. Deuxième conséquence: le risque de propagation et de contagion en cas de faillite d'un établissement bancaire (risques interbancaires). Pour faire face à ce risque, le controle des banques, qui relève jusqu'à présent des autorités nationales, s'est révélé insuffisant comme l'ont illustré diverses affaires et en dernier lieu, la déconfiture de banques espagnoles. Le 31/05/2012 auditionné par le Parlement européen, le Président de la Banque Centrale européenne, Mario Draghi n'avait pas mâché ses mots: «Ce que Dexia a montré - ce que Bankia montre aussi -, c'est qu'à chaque fois que nous sommes confrontés à un besoin critique de recapitalisation, la réaction des superviseurs nationaux (…) est de sous-estimer le problème et de venir avec une première estimation (des besoins), puis une deuxième, une troisième, une quatrième!». D'où l'idée de créer une supervision européenne.
L'union bancaire permet donc de déplacer au niveau européen (plus précisément de la zone euro) la supervision des banques et la solution de leurs problèmes éventuels. Elle conditionne la recapitalisation directe des établissements bancaires par le mécanisme européen de stabilité. Pas de supervision européenne, pas d'aide du MES, telle est la condition voulue par l'Allemagne, en particulier.
L'accord sur le principe étant acté au conseil européen, le temps des mesures concrètes est arrivé. La Commission européenne a présenté, le 12/09/2012, des propositions qui mettent en oeuvre la surveillance intégrée en précisant son architecture: institutions et articulation de leurs interventions.
Le mécanisme de surveillance unique (MSU) pour les banques de la zone euro qu'elle y propose donnera une place de pivot à la Banque centrale européenne (BCE) et non à l'Autorité Bancaire Européenne (ABE) qui est opérationnelle depuis janvier 2011. Selon la Commission, la préférence donnée à la première s'explique par plusiers raisons: son expérience, son autorité qui lui permettra d'éviter les collusions reprochées aux régulateurs nationaux, sa crédibilité auprès de marchés financiers, et le fait que le traité sur la fonctionnement de l'Union européenne prévoit à son article 127 que la BCE peut se voir confier des missions spécifiques de contrôle des établissements bancaires.
La BCE, explique la Commission, assumera "la responsabilité ultime de l'exercice de missions de surveillance spécifiques concernant la stabilité financière". Elle sera chargée, par exemple, d'agréer les établissements de crédit, de veiller au respect des exigences en matière de fonds propres, d'endettement et de liquidités, et de surveiller les conglomérats financiers.
Pour exercer sa mission elle aura des pouvoirs d'enquête (elle pourra, si besoin, faire des inspections sur place) et de sanctions: elle pourra imoposer des amendes ou des astreintes. Si une banque ne respecte plus les exigences de fonds propres réglementaires, ou risque de ne plus les respecter, la BCE pourra l'obliger de manière préventive à prendre des mesures correctives. Pour éviter les conflits d'intérêt entre les objectifs de la politique monétaire et de la surveillance prudentielle, un cordon sanitaire institutionnel est établi afin de séparer "strictement" les deux missions au seion même de la BCE. Toutes les activités préparatoires et exécutives liées à la mission de surveillance devraint être exercées, par des divisions administratives et organes séparés de ceux en charge de la politique monétaire. Pour cela, un comité de surveillance, chargé de préparer les décisions sur les questions de surveillance, sera institué.
Les autorités nationales de supervision resteront compétentes pour assurer la surveillance courante des banques, la supervision au jour le jour et participeront à l'élaboration et la mise en oeuvre des décisions de la BCE, en transmettant "toutes les informations pertinentes" et en siégeant au comité de surveillance.
Enfin, l'Autorité bancaire européenne sera chargée de mettre au point une réglementation («manuel de surveillance») unique afin de préserver d'assurer l'application homogène des règles de surveillance bancaire dans les 27 pays de l'Union européenne.
Trois textes composent le paquet législatif proposé par la Commission:
- un règlement qui confère à la BCE d'importants pouvoirs en vue de la surveillance de toutes les banques de la zone euro, et qui met en place un mécanisme qui permettra d'intégrer les pays qui ne sont pas membres de la zone euro mais qui souhaitent participer au processus;
- un règlement qui adapte l'actuel règlement instituant l'ABE au nouveau dispositif de surveillance bancaire;
- une communication qui décrit la manière dont la Commission envisage l'union bancaire et qui annonce les étapes suivantes, en particulier, le mécanisme unique de résolution des défaillances bancaires.
La surveillance unique s'appliquera, si l'on suit les propositions de la Commission européenne, à toutes les banques et non pas aux seules gandes banques transnationales (les banques pesant un poids systémique). Dans les cas des faillites de banques en Espagne ce sont en effet des banques nationales de petite taille ou ayant une activité limitée qui ont été impliquées. Mais l'Allemagne et d'autres pays refusent que les banques domestiques soient soumises au système européen de surveillance.
Un autre point de discorde concerne le contole démocratique de l'action de la BCE. La proposition de règlement prévoit que la BCE rendra compte de son activité de surveillance au Parlement européen et à l'Eurogroupe, c'est à dire au conseil des ministres des finances de la zone euro. Mais, dans une résolution votée le 13/09/2012, le Parlement européen juge ces dispositions insuffisantes et demande des précisions sur certaines modalités de la supervision. Mais il lui est assez difficile de se faire entendre car le règlement qui confère les nouveaux pouvoirs à la BCE ne sera pas voté selon la procédure législative ordinaire (Parlement et Conseil) mais par le seul Conseil. Une éviction que dénonce le parlement mais qui s'appuie sur les prescriptions de l'article 127 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui fait du Conseil le décideur unique en la matière.
Parallèlement au cadre législatif sur la supervision bancaire, les textes sur les exigences de fonds propres, l'harmonisation des systèmes de garantie des dépôts et le cadre européen unique pour le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances devraient être adoptés.
Domaguil